12 ATTAQUE DE LA LIGNE HINDENBURG
Malgré les fatigues supportées vaillamment, malgré la tension des nerfs causée par ces trois dures journées de combat, une nouvelle mission incombait à ces hommes qui avaient vu tomber la plupart de leurs chefs et de leurs gradés (il ne restait plus au 1erer bataillon qu'un commandant de compagnie et un officier mitrailleur).
Le 2 octobre au matin, des reconnaissances sont poussées sur la ligne Hindenburg pour sonder la résistance ennemie. La présence de nombreuses mitrailleuses se décèle autour du village d'Itancourt et l'artillerie ennemie réagit violemment.
Une attaque est montée pour 15 h 30, qui doit être menée par les deux bataillons de tête, le 2eme bataillon à droite, le 1erer à gauche, renforcés par une compagnie du bataillon de soutien.
A l'heure fixée, les vagues d'assaut bondissent hors de leurs tranchées, avec un ensemble parfait, sur tout le front du régiment. Les trois cents premiers mètres sont franchis à belle allure, mais aussitôt l'ennemi, aux aguets, déclanche un très violent tir de barrage d'artillerie et de mitrailleuses.
La position ennemie d'Itancourt se prête merveilleusement à la défense ; elle est flanquée par de nombreux organes qui balaient de leurs feux tout le terrain en avant des tranchées. Nos éléments de droite, un instant arrêtés dans leur élan par la brutalité de la riposte allemande, repartent aussitôt, énergiquement entraînés par leurs chefs. Mais ils ne peuvent progresser au delà de la première crête, et sont obligés, devant la violence du feu ennemi, de s'accrocher au terrain.
A gauche, le bataillon Stiot, poussant plus loin encore sa progression, a traversé l'enchevêtrement des premiers réseaux et occupé une partie des tranchées ennemies. Les 9eme et 3er compagnies progressent à la grenade par les boyaux, se dirigent vers la voie ferrée. Mais des contre-attaques violentes se déclanchent ; le bataillon, découvert à droite et à gauche et menacé d'encerclement, se replie pied à pied sur sa ligne de départ. Le sous-lieutenant Vigouroux et le lieutenant Voirin sont grièvement blessés en protégeant, par des corps à corps héroïques, le repli du bataillon.
Deux sections de mitrailleuses chargées de flanquer l'attaque à gauche, après le passage des réseaux, contribuent puissamment à enrayer les contre-attaques ennemies, Sous un bombardement effroyable, elles tirent jusqu'à leur dernière bande et sont presque anéanties.
Pendant les jours suivants, des reconnaissances quotidiennes, conduites avec audace et sang-froid, permettent de constater la forte occupation de la ligne.
A peine remis des combats précédents qui, de Saint-Simon, par Avesne et la cote 117, l'avaient amené aux lisières de Benay, le régiment venait encore de subir, pendant cette période, des pertes sévères (quatre-vingt-douze tués, dont cinq officiers,; deux cent quatre blessés, dont onze officiers) qui, autant et peut-être plus que les fatigues éprouvées, influaient sur le moral de la troupe courageuse, mais épuisée.
Ce fut avec entrain cependant que, le 9 octobre, une reconnaissance énergiquement menée étant parvenue, à 8 h 45, dans la tranchée Falkenhayn, le régiment s'ébranlait, à 9 h 30, le 3eme bataillon (Ferry) en tête, traversait Itancourt et la position Hindenburg et atteignait, à la nuit, la ligne bois de Milo-bois des Muettes.
Le 10 au matin, le mouvement en avant reprenait jusqu'au 13 au matin, où le régiment était relevé.
En résumé, depuis le 8 septembre, le 29er régiment d'infanterie, combattant sans arrêt pendant plusieurs jours, a réalisé, par ses seuls moyens, de Saint-Simon aux abords de Benay, une avance de 9 kilomètres ; au cours des combats de la fin de septembre, il lutta pied à pied, depuis les lisières est d'Essigny jusqu'à Itancourt, sur un parcours de plus de 5 kilomètres, barré par le point d'appui très fort d'Urvillers, où furent capturés plus de trois cent cinquante prisonniers et un très gros matériel ; puis, traversant la position Hindenburg, il continua la poursuite jusqu'à la relève de la division.
Une fois de plus, avec une énergie tenace, malgré de très grosses fatigues, le 29eme avait fait sans bruit, mais vaillamment, son devoir, tout son devoir, toujours fidèle à sa belle et ancienne devise : Res preastant fidem, non verba .
A la suite des opérations du 8 au 12 septembre et du 28, septembre au 13 octobre, le 29eme régiment obtient une deuxième citation à l'ordre de l'armée.
La fourragère lui est attribuée.
Après étapes à Urvillers et la Neuville-en-Beine, le régiment s'embarque à Flavy-le-Martel, le 16 octobre, et vient cantonner, le 17, à Grandvilliers(Oise).
Le 1er novembre, ordre est reçu de se porter dans la direction de Guise.
Le régiment se met en route, par étapes, par Mont-didier et Saint-Quentin.
C'est à Macquigny, le 10 novembre, dans la soirée, que la nouvelle de l'acceptation des Conditions de l'armistice parvient aux troupes.
Continuant sa marche en avant, le 29eme atteint la frontière belge le 14 novembre et y séjourne jusqu'au 17, dans une large formation d'avant-postes.
Le 18 il est à Chimay (Belgique) et le 19 à Couvin, jusqu'au 4 décembre.
La 169eme division d'infanterie est alors rattachée organiquement au 36eme corps d'armée.