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9  Opérations actives et offensives
OPÉRATIONS (RÉGION DE MONTDIDIER)

Du 9 au 18 août 19181

9.1  Le 9 août

. En secteur au sud-est de Montdidier depuis les premiers jours d'avril, le 29e reçoit, le 9 août, à midi, l'ordre de passer à l'attaque des positions allemandes.

Il a pour mission d'enlever successivement trois lignes de tranchées avec points d'appui organisés et le village d'Assainvillers.

L'attaque se déclanche à 16 heures (deux bataillons en première ligne et un en réserve), avec un ensemble parfait, et un entrain remarquable ; les hommes suivent au plus près le barrage roulant. Surprise tout d'abord, la résistance allemande s'accentue au fur et à mesure de la progression, mais rien n'arrête les vagues d'assaut, que les rafales de mitrailleuses et les tirs d'enfilade ne réussissent même pas à ralentir.

Le réduit du bois d'Ys, la tranchée Seignet, le bois de la Carrière sont vivement enlevés et nettoyés de leurs défenseurs. Cependant, dès le bois Dhélieux et la tranchée Bilbaut, la défense ennemie s'accroche opiniâtrement au terrain, la lutte devient ardue, de fréquents et violents corps à corps se produisent, l'ennemi est contraint d'évacuer la position.

De nombreux prisonniers sont capturés vers ces deux points d'appui qui, habilement organisés, ont dû être enlevés de haute lutte. Dérouté, bousculé par cette progression rapide, l'ennemi se replie en désordre sur le village d'Assainvillers, qui peut être avec succès tourné par le nord.

Ce mouvement permet de faire tomber les dernières résistances et le régiment, dépassant le village, atteint, vers 18 heures, son dernier objectif.

Cette attaque, parfaitement préparée et menée à belle allure par des troupes confiantes en elles-mêmes et pleines d'allant, nous a permis de réaliser une avance de près de 5 kilomètres à travers les lignes allemandes.

Plus de cinq cents prisonniers (dont plusieurs officiers) ont été captures par le 29eme, ainsi qu'un matériel considérable, comprenant un grand nombre de fusils, plus de cent mitrailleuses avec d'énormes dépôts de munitions, de nombreux fusils antitanks, quatre pièces de 77, six pièces de 105, quatre pièces de 150, six minonwerfers, etc... Des documents intéressants et très importants furent également trouvés en grande quantité dans les abris (particulièrement d'artillerie). Le régiment fut cité à l'ordre de la lère armée.

9.2  Le 10 août

Après la prise d'Assainvillers et la poussée victorieuse de notre avance, ordre est donné, le 10, de reprendre la marche en avant, à 16 heures. Le 29eme, formant l'avant-garde de la division, en liaison à gauche avec le 13eme, poursuit l'ennemi et progresse rapidement vers l'est. Dépassant le Lundi et Remaugies, il nettoie d'ennemis le bois de la Houssoye et arrive aux lisières du bois Marotin. Au moment où les éléments de tête cherchent à y pénétrer, une escadrille allemande, apparaissant brusquement au-dessus du bois, dont elle rase les arbres, mitraille à bout portant le gros de l'avant-garde, mais ne réussit pas à ralentir son mouvement.

Le bois Marotin est vivement fouillé, et les reconnaissances se heurtent, à la lisière est, à une vive résistance ennemie organisée dans la région de la cote 112, objectif assigné au régiment. De violentes rafales de mitrailleuses balaient tout le bois au moment où nos premiers éléments cherchent à en déboucher. De forts détachements, poussés en avant, font tomber, par le feu et la manœuvre, ces résistances successives.

A la tombée de la nuit, le régiment est entièrement maître de la lisière et du plateau à l'est du bois Marotin. Il a réalisé, dans la soirée du 10, une avance de 7 kilomètres.

Le 14 août, le général commandant la 169eme division adressait aux troupes l'ordre suivant :

La 169eme division a remporté, le 10 août, un superbe succès, faisant treize cents prisonniers, dont quinze officiers, parmi lesquels deux chefs de bataillon, capturant plus de soixante-dix canons ou mortiers, dont des pièces de 210 et de 105, et plus de trois cents mitrailleuses.

Le général commandant l'armée est venu, hier, exprimer au général commandant la division son entière satisfaction. Le général commandant la division s'empresse de transmettre les remerciements qui lui ont été exprimés à tous ceux qui les ont si bien gagnés, c'est-à-dire aux vaillants officiers, modèles de bravoure, et à la troupe, toujours admirable de courage, d'endurance et de dévouement.

Le général commandant la division demande une citation à l'ordre de l'armée pour tous les corps. On lui a laissé espérer que ces citations seraient transformées en une citation collective de la division, avec mention des divers corps et de leurs chefs.

II va s'agir, pour la division, de fournir un nouvel et très vraisemblablement dernier effort, avant un repos bien mérité. Malgré les dures épreuves subies ces jours-ci, elle se montrera encore une fois à la hauteur de sa belle réputation, s'efforçant de cueillir de nouvelles citations à l'ordre de l'armée, qui feront gagner la fourragère aux corps qui ne l'ont pas encore et transformeront brillamment la couleur de la fourragère du 39eme.

Un des officiers allemands que nous avons faits prisonniers disait, ces jours-ci, en parlant de la 169eme division d'infanterie :
Le maintien devant notre front de cette division d'élite nous faisait prévoir une attaque.Montrons encore une fois à nos ennemis que nous méritons ce qualificatif de division d'élite.

Le Général commandant
La 169eme division,
Signé : Serot Alméras

9.3  Le 11 août

La poursuite est reprise à 5 heures. Le régiment continue à former l'avant-garde de la division.

L'ennemi, battu, a reporté sa ligne de résistance au débouché est du bois de Bus, s'appuyant, d'une part, aux vergers sud de Tilloloy, dont il occupe encore très fortement le parc, le château et les maisons avoisinantes, et, d'autre part, à la route nationale jusqu'aux lisières du bois Allongé.

Ce terrain particulièrement coupé rend la progression difficile. De nombreux nids de mitrailleuses se révèlent, tant sur le front que sur les deux flancs du secteur d'attaque.

A gauche, la 46eme division, qui n'a pu se porter à notre hauteur, se trouve arrêtée dans le parc de Tilloloy. Notre flanc gauche est complètement découvert. La 1ère compagnie réussit néanmoins à manoeuvrer les mitrailleuses qui entravent son avance, en encerclant la plupart d'entre elles. Presque tous les défenseurs sont tués, une douzaine de prisonniers sont ramenés dans nos lignes. La lisière du parc et la partie sud de Tilloloy sont ainsi nettoyées. La compagnie, au prix d'un effort continu, atteint la route nationale, qu'elle dépasse pour s'infiltrer dans les vergers à l'est.

Cette opération va permettre la progression ultérieure du 29eme. A droite, la 3eme compagnie, renforcée ensuite par la 2eme compagnie et deux sections de mitrailleuses, réussit également, au prix d'efforts successifs, à franchir la route nationale et à s'établir sur la lisière ouest du bois Allongé, ce qui nous permet de conquérir une base d'attaque favorable au développement ultérieur des opérations.

Au centre, des reconnaissances s'infiltrent dans la direction de la cote 106 et rendent compte que le bois, à l'est, est fortement organisé et solidement tenu par des nids de mitrailleuses.

Dans ces conditions, devant l'impossibilité d'aborder le bois de la cote 106 sans préparation d'artillerie, une opération d'ensemble est décidée et l'attaque fixée à 16 h. 30. Le 29eme doit, à cet effet, se porter sur la base de départ conquise au bois Allongé par la 3eme compagnie du 29eme, pour agir en liaison avec le régiment.

9.3.1  Enlèvement de la cote 106

Pour cette attaque, les 2eme et 3eme bataillons prennent leur dispositif de combat à l'est et en bordure de la route nationale, tandis que le 1er bataillon, après avoir été dépassé, doit se regrouper et constituer le bataillon de soutien du régiment. Ces dispositions sont prises sous un feu continu. Le commandant du 2eme bataillon (commandant Gélard) est blessé.

Sous la protection d'un barrage roulant, les vagues d'assaut, témoignant d'un entrain que les fatigues des journées précédentes n'ont pas amoindri, s'élancent avec un magnifique ensemble sur l'objectift. Les sections de mitrailleuses qui, depuis plus de deux jours, transportent à bras leur lourd matériel, coopèrent très efficacement à l'action.

La défense ennemie consiste surtout en un tir très dense de mitrailleuses venant du front attaqué, et en particulier du flanc gauche, où, à l'est de Tilloloy, s'étagent des nids de mitrailleuses successifs qui nous prennent d'écharpe et que les tirs d'artillerie n'ont pu neutraliser.

Nos vagues d'assaut, faisant preuve d'une ténacité remarquable, réussissent néanmoins à dépasser le bois de la cote 106 et à occuper les tranchées le bordant à l'est.

Une partie de la corne nord du bois reste seule au pouvoir des Allemands, qui y opposent une résistance désespérée. Mais une opération énergique de nettoyage nous en rend maîtres et met en fuite les rares survivants de ce réduit de la défense.

Les deux bataillons s'organisent sur la position entièrement conquise, que les tirs de destruction et d'obus toxiques dirigés par les Allemands ne réussissent pas à ébranler. Néanmoins, le bois tout entier reste soumis à des tirs intenses de mitrailleuses échelonnées dans des blockhaus jusqu'à la lisière du Gessier et vers la cote 93, à l'est de Tilloloy.

L'avance réalisée dans les journées des 10 et 11 août représente une profondeur de 10 kilomètres. Elle permet de récupérer, notamment dans le bois de Bus, un matériel considérable. Elle est, de plus, tout à l'honneur du régiment, qui, en secteur depuis le 1er avril, venait d'enlever la veille, après de durs combats, trois lignes de tranchées allemandes et le village d'Assainvillers.

Nombreux furent, pendant ces journées victorieuses, les actes individuels de courage à l'actif du régiment. Ils témoignent hautement de la belle valeur des cadres et de la troupe,

9.4  Le 12 août

A la suite des combats des journées précédentes, le 29eme, en avant-postes de la 169eme division d'infanterie, a :
  1. Un bataillon, le 3eme, dans le bois de la cote 106 et les tranchées le bordant à l'est ;
  2. Deux bataillons échelonnés immédiatement en arrière entre le bois et la route nationale Tilloloy-Conchy.
L'attaque prévue pour le 12 a pour objet l'enlèvement du Gessier. Elle doit être menée, à 17 heures, par le 3e bataillon, étayé en échelon, à gauche, par une compagnie du 2eme bataillon (5eme). Le plateau à parcourir s'étend sûr une largeur de 1.000 mètres. Il est occupé, à 200 mètres de notre tranchée de départ et parallèlement à celle-ci, par une première tranchée garnie d'infanterie et contenant plusieurs blockhaus de mitrailleuses très résistants. De plus, en avant du village, se trouve une autre tranchée garnie également de nombreuses mitrailleuses et d'infanterie.

Le placement des unités sur la base de départ se fait homme par homme, sous le feu, car cette base est constamment enfilée par les nids de mitrailleuses établis à l'est de Tilloloy.

La position du régiment est en flèche par rapport aux chasseurs à pied, qui n'occupent que partiellement le village.

Une heure environ avant le départ, les Allemands bombardent, par obus toxiques, les tranchées occupées parle 3eme bataillon et la 5eme compagnie. Trois quarts d'heure avant l'heure H, à 16 h. 15, l'ennemi déclanche un violent tir de contre - préparation qui, dirigé d'abord sur le parc de Tilloloy, s'étend plus au sud-est, sur toute la zone occupée par le régiment. Notre tir de préparation commence à 16 h. 55. Les nids de mitrailleuses placés à l'est du bois de la cote 106 et à l'est de Tilloloy ouvrent aussitôt le feu par rafales violentes et ininterrompues qui balaient les tranchées de départ, où beaucoup d'hommes sont blessés.

La tranchée allemande à l'est du bois de la cote 106 est trop rapprochée de nos lignes pour que le barrage roulant puisse en atteindre les défenseurs.

Tout franchissement est rendu impossible, sans grosses pertes, dès le début de la progression.

L'attaque du Gessier devra être reprise sur de nouvelles bases avec évacuation préalable de nos tranchées les plus avancées, pour permettre la neutralisation par notre artillerie des premières défenses allemandes.

Pendant toute la fin de la journée, l'ensemble de nos positions reste soumis à un violent bombardement.

9.5  Le 13 août

Pendant la nuit du 12 au 13, le 29e, relevé en entier par le 13e, se rend, en réserve de division d'infanterie, dans le bois de Bus.

9.6  Le 14 août

Le régiment reste sur ses positions de réserve, où il subit de nombreux bombardements.

9.7  Le 15 août

Une attaque est préparée pour le 16, mais contre-ordre est donné vers 19 heures.

9.8  Le 16 août

Le régiment reçoit l'ordre d'alerte et se tient prêt à se porter en avant, de façon à suivre et à appuyer la progression des régiments de tête (13eme et 39eme) avec un bataillon réserve d'infanterie divisionnaire (2eme) et deux bataillons réserve de division d'infanterie (1er) et 3eme)).

A 18 heures, le 3eme) bataillon est établi en entier dans la région du bois de la cote 106.

Le 1er) bataillon s'établit sur la lisière nord du bois Allongé, en liaison avec le 1er) bataillon du 39eme).

Le 3eme) bataillon est dans les tranchées à 100 mètres est de l'allée du bois Prévost, dans le bois de Bus.

9.9  Le 17 août

A 11 heures, le 3eme) bataillon est porté entre la route Tilloloy-Conchy et le bois de la cote 106.

Le 2eme) bataillon envoie la 7eme) compagnie au nord du Cessier, pour appuyer une compagnie du 13eme). Il envoie également la 5eme) compagnie dans le boqueteau nord-ouest du Cessier, pour s'établir en flanquement à gauche, car Bauvraignes est toujours entre les mains de l'ennemi et une contre-attaque est à craindre de ce côté.

9.10  Le 18 août

Au cours de la nuit du 17 au 18, de violents bombardements sont déclanchés sur toute la position.

Dans la nuit du 18 au 19, le régiment est relevé par trois bataillons de chasseurs à pied de la 46eme) division d'infanterie.

9.11  Le 19 août

Le régiment se regroupe dans la région Le Ployron-Godenvillers, et va cantonner, le 20 au soir, à Maignelay, d'où, après quelques jours, il se porte, par étapes, à Francastel (Oise).

A la suite des opérations du 10 au 18 août, le 29eme) fut cité à l'ordre du corps d'armée et, le 23 août, le général commandant la 169eme) division adressait l'ordre suivant :

MES CHERS AMIS,

Bravo, pour vos beaux succès de cette récente offensive. Ils vous ont procuré, d'abord et avant tout, l'immense joie de pouvoir, grâce à une progression totale de près de 18 kilomètres, libérer une partie importante de territoire de notre chère France. Ils vous ont permis de capturer : Environ dix-sept cents prisonniers, parmi les quels deux commandants de bataillon et quinze autres officiers ;
Enfin, ils nous ont donné une fois de plus, et de façon saisissante, l'occasion de constater que la 169eme division est bien la vraie famille militaire où tous, quels que soient l'arme, le service ou le grade, s'entraident, se serrent les coudes, où une confiance réciproque unit officiers et soldats, où, en un mot, se trouvent réalisés : L'Union des Cœurs, L'Union des Énergies,
Ce 23 août 1918.
Le Général commandant
la 169eme division d'infanterie,
Signé : Serot Alméras

Le 6 septembre, dans la matinée, le régiment s'embarque, en chemin de fer, à Crèvecœur (Oise).


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